La fratrie. Témoignage. Par Marion Curtillet.

Préambule

Piwi Cœur a quatre frères et sœurs, qui avaient entre quatre et neuf ans au moment de sa naissance. Il a aussi deux parents. Des parents qui font ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils sont…

Photo : Les aventures de Piwi Cœur.

Le diagnostic, les incertitudes, la longue attente

Dès le départ, nous avons tout dit à nos enfants. Avec leurs mots, mais sans filtre. Nous avons appris avec eux comment fonctionnait un cœur normal, comment fonctionnait celui de Piwi Cœur. Nous leur avons clairement expliqué les conséquences : que s’il ne pouvait pas être opéré, il ne vivrait que quelques jours…

Nous leur avons aussi parlé de la probabilité (notion au combien facile à saisir pour des enfants…) qu’il soit handicapé, sans avoir idée ni du degré, ni de la nature du possible handicap. Ce grand flou a donné lieu à de très riches discussions autour de ce qui était « grave » ou « pas grave » : ne pas savoir lire, écrire, compter. Grave ? Pas grave ? Faire des grosses colères. Grave ? Pas grave ? Ne pas pouvoir fonder une famille, trouver un travail. Grave ? Pas grave ?

Seulement, après sa première opération du cœur, le tableau dressé par les médecins a été plus noir que tout ce que nous avions envisagé… Et je me souviendrai toujours de ce dîner au cours duquel nous avons eu à faire cette annonce aux enfants. Nous étions nous-mêmes très plombés, évidemment… Et finalement, c’est en parler aux enfants qui nous a permis de franchir cette étape. Car ils ont traduit le tableau clinique (marcher, manger, parler, respirer) en :  « jouer au foot », « faire du ski », « pique-niquer en montagne » ! Et alors là, nous sommes passés de la liste des non, à la liste des oui ! Le foot ? Mais bien sûr que si ! On le mettra au goal, et le but sera de lui déposer le ballon dans les mains ! Le ski ? Papi nous bricolera un système ! Pique-niquer en montagne ? Deux devant, deux derrière, on tire, on pousse, et hop là ! Dès le lendemain, ils écrivaient les règles de ce nouveau « foot », dessinaient le plan de la machine pour faire du ski, inventaient le siège qui permettrait de gravir les montagnes sans les jambes, mais avec beaucoup de bras autour.

Photo : Les aventures de Piwi Cœur.

Les six mois de réanimation

Piwi Cœur est resté six mois en réanimation. Les visites étaient très limitées : une fois par semaine pour les frères et sœurs. C’était très bien comme cela, nous n’aurions pas voulu qu’ils viennent plus. Cet endroit n’était pas fait pour eux… Sur les conseils d’une pédopsychiatre, ils avaient choisi chacun un doudou, qui restait dans le berceau auprès du bébé. C’était leur façon à eux d’être présents à ses côtés, de prendre soin de lui.

Et pour la petite histoire, c’est de là que vient le doudou renard qui raconte l’histoire dans l’album illustré !

Pendant tout ce temps (qui a couvert Noël et les vacances d’été), notre souci a été de minimiser au maximum les conséquences de la situation sur le reste de la fratrie. Grâce aux grands-parents, les enfants ont pu continuer leurs activités habituelles. Pendant les vacances, grâce aux grands-parents toujours, mais aussi aux oncles et tantes et aux amis, ils ont pu aller à la mer, à la montagne, à la campagne. Des moments de grand bonheur pour eux, pendant que leurs deux parents étaient au chevet de Piwi Cœur qui subissait ses opérations du cœur et avait tant de mal à s’en remettre. Nous les avions au téléphone chaque soir, et chaque soir ils demandaient : « Comment il va, Piwi Cœur ? »

Photo : Les aventures de Piwi Cœur.

L’hôpital à la maison

Pour le retour de Piwi Cœur à la maison, il a fallu déjà lui donner une chambre à lui tout seul (enfin… à lui et tout son matériel plus exactement…). Alors que les autres enfants dormaient à deux par chambre. Nous avons entendu une fois je crois un : « Il a trop de chance ! »

La place de son matériel s’est trouvée toute seule et très naturellement. Nous avons donné des noms aux machines : le masque pour respirer, c’était Bob, le saturomètre, c’était Joey. Chacun s’est choisi une mission : l’un s’occupait de Joey, l’autre de Bob, un autre préparait l’alimentation, le dernier était responsable des médicaments… Aujourd’hui, ils savent tous tout faire et participent de bon cœur.

La place de Piwi Cœur lui-même dans la fratrie s’est trouvée tout aussi naturellement : nous les avons laissé faire. Nous n’avons pas mis de barrière, pas édicté de « règles ». Nous ne sommes pas restés en permanence à côté d’eux pour nous assurer que tout se passait bien. Très vite, l’un a pris Piwi Cœur dans ses bras, l’autre suivait avec le saturomètre et la perche d’alimentation. Ils allaient dans leur chambre et lui construisaient une cabane dans leur lit. Ils ont beaucoup joué au docteur bien sûr, avec un malade tout désigné. Ils pouvaient aussi jouer à cache-cache avec lui et ça… ça reste un grand mystère ! Ils ont eu enfin d’étonnants moments de tendresse : comme il ne bougeait pas, ils le prenaient contre eux pendant qu’ils lisaient, ou dans leur lit le matin quand il se réveillait de bonne heure…

En fait, pour l’instant (nous sommes encore au tout début de l’aventure), je dirais qu’il n’y a pas de différence « de fond » avec un petit frère ou une petite sœur « pas malade ». Juste une différence de forme avec les tuyaux et les fils, qu’ils ont su intégrer sans problème à leur quotidien. Ils n’y pensent pas.

Photo : Les aventures de Piwi Cœur.

Être frère ou sœur d’un enfant malade ?

Cela fait maintenant sept mois que Piwi Cœur n’est pas retourné à l’hôpital. Nous sommes passés progressivement de la question de la survie, à la vie avec le handicap. Et pour tout dire, Piwi Cœur prend toujours autant de place à la maison, physiquement et psychiquement. Ce sera sans doute le cas… toujours ? Nous avons beau être très vigilants sur ce point, accorder du temps à tous, nous réjouir des progrès de chacun et applaudir de tout notre cœur les « exploits » des uns et des autres, le moindre petit progrès de Piwi Cœur relève tout simplement… d’une autre dimension…

Est-ce évitable ? Quelles seront les conséquences sur les autres enfants quand ils seront plus grands ? Nous ne pouvons pas savoir. Nous pouvons juste être pleinement conscients du risque, et continuer de faire de notre mieux, pour chacun et pour tous. En cohérence avec notre histoire et celle de notre famille, qui s’écrit chaque jour… à sept mains.

3 Comments

  • Anne et Xana

    Les fratries sont des supers héros! Nous sommes une famille mais aussi une équipe. Sans son grand-frère, notre princesse piwi ne serait pas ce qu’elle est. La devise : ne touche pas à ma soeur mais aussi ne touche pas à mon frère! Vous aurez affaire à l’autre! Le grand dit souvent que nous faisons des différences bien que nous fassions attention, dans toute fratrie on est différent, les êtres étant également différents… Fratrie Piwi Coeur, tous ensemble on est plus fort!

    • Marion Curtillet

      Merci pour ce beau partage ! Une équipe, oui, c’est le mot ! Piwi Cœur est encore trop petit pour voler au secours de ses frères et sœurs, mais ça va venir 🙂 Les grands sont aussi encore trop petits pour ressentir la différence d’attention, tout cela est trop récent, ils ont eu peur pour ce petit enfant, autant que nous je crois. Alors nous verrons… Et nous vous tiendrons au courant dans les prochains épisodes bien sûr ! 🙂

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