Un bébé hypotonique. Témoignage. Par Marion Curtillet.

Photo : Les aventures de Piwi Cœur

C’était pourtant là…

Pendant le premier mois de sa vie, Piwi Cœur a flotté « entre deux », maintenu par des médicaments lourds et nombreux. Il était complètement « dans le gaz », ses parents… aussi.

On voyait bien qu’il n’ouvrait pas les yeux, mais sans le voir… C’était caché, derrière les soubresauts impressionnants de sa cage thoracique, les tuyaux, les machines, les alarmes. Derrière l’échéance de son opération « roulette russe » du cœur.

En fait, nous avons vu ses yeux fermés… le jour où il les a ouverts pour la première fois. Nous sommes restés là, figés devant cette vie qui venait d’apparaître dans ce visage jusque-là sans regard.

Pendant tout ce temps, les bébés autour, nous ne les avons ni vus, ni entendus. Nous ne nous sommes pas non plus demandés comment étaient nos aînés au même âge.

Photo : Les aventures de Piwi Cœur

« Hypotonie »

 Et puis, il a eu sa première opération du cœur. Et puis, il s’en est lentement, très lentement, remis. Et puis, les médecins ont dit : « Point de vue cardiaque, maintenant, la situation est stabilisée ».

Nous avions atteint un col sur la montagne « cœur », et de là se dévoilait pour la première fois à nos yeux la plaine dévastée cachée derrière… Nos oreilles ont commencé à entendre les bébés qui, bien qu’en réanimation, pleuraient. Nous les avons soudain vus boire leur biberon, battre des mains, tourner la tête et regarder alentour…

Piwi Cœur ne faisait rien de tout ça. Aucun son, aucun mouvement. Il n’ouvrait pas la bouche, ne bougeait pas la langue, ne déglutissait même pas sa salive. Les spécialistes ont commencé à défiler. Neurologue, ORL, généticien. Ils donnaient de petits coups secs avec leur marteau, à la recherche d’un hypothétique réflexe dans la jambe. Les uns sentaient une réaction infinitésimale, la plupart ne sentaient rien du tout.

Le mot est revenu de plus en plus à nos oreilles : « hypotonie ». Il expliquait la partie visible : ce corps inerte, sans aucun maintien. Une marionnette sans la main du marionnettiste… Et la partie invisible : le larynx, tout mou et plein de plis qui empêchaient l’air de passer, et les poumons, incapables de se remplir à cause des muscles intercostaux qui ne fonctionnaient pas.

Photo : Les aventures de Piwi Cœur

Les « probablement… »

Nous avons essayé de traduire ce que disaient les médecins en conséquences sur la vie concrète de notre enfant. Allait-il respirer par lui-même ? Probablement que non. Manger ? Probablement que non… Marcher ? Probablement que non. Parler ? Probablement que non. Allait-il au moins sourire ? (Allez ! S’il vous plaît ! Juste sourire… ). Probablement que non…

Un jour (il avait à l’époque deux mois et demi), Piwi Cœur était dans son berceau, toujours en réanimation, quand ses grands-parents sont venus le voir. Alors que je leur dressais le tableau « peu réjouissant » de sa vie future, il a levé une main ! Je me rappelle avoir poussé un grand cri ! Les grands-parents n’ont pas compris, je les ai attrapés par les épaules : « Vous vous rendez-compte !?! Il a bougé !!! »

*

Un mois plus tard, rendez-vous avec la généticienne. Les gênes avaient parlé : syndrome de Prader-Willi. Un improbable Prader-Willi, certes, mais un Prader-Willi quand même ! Ça voulait dire que Piwi Cœur probablement, un jour, respirerait sans machine, mangerait, parlerait, marcherait même ? Et puis, surtout… il sourirait…

« Un jour », ça pouvait vouloir dire deux ans comme dix ans. Peu nous importait. Après avoir vécu ce long mois dans la perspective du « rien du tout », ce « un jour peut-être » faisait de nous les parents les plus heureux du monde !

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