Épisode 3, la revue numérique. Le syndrome de Prader-Willi relève de la « filière nationale de santé maladies rares du neurodéveloppement » : DéfiScience. Y sont rattachés le centre de référence dont nous vous parlons régulièrement (CHU de Toulouse) ainsi que les centres de compétence que nous visitons chaque printemps pendant la tournée. Mais qu’est-ce que tout cela au juste ? Cassandre Bonnet, cheffe de projet de la filière, répond à toutes nos questions.
Marion Curtillet : DéfiScience a été créée en 2014, à Lyon. À quels besoins est-elle venue apporter une réponse ?
Cassandre Bonnet : En 2003, sous l’impulsion du mouvement associatif, le ministère de la Santé a mis en œuvre un plan stratégique pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de maladies rares : le 1er plan national maladies rares était lancé, structurant un réseau de centres experts labellisés « Centres de Référence Maladies Rares ». C’était la première fois qu’un pays européen déclarait que les maladies rares étaient un enjeu de santé publique national.
Les filières de santé maladies rares ont été créées dans le cadre du 2e plan national maladies rares en 2014, afin de rassembler les Centres de Références Maladies rares aux thématiques communes et de coordonner des actions avec les centres, mais aussi les laboratoires de diagnostic et de recherche, des structures éducatives, sociales et médico-sociales, des universités, des associations de personnes malades et tout autre partenaire – y compris privé – apportant une valeur ajoutée à l’action collective. Les filières sont donc le catalyseur qui assure un lien entre l’ensemble de ces acteurs de la prise en charge des maladies rares.
DéfiScience est basée à Lyon car le référent médical est le professeur des Portes, neuropédiatre travaillant au sein de l’hôpital Femme Mère Enfant de Lyon. Mais l’action de la filière est nationale, et ne se cantonne pas à la région Rhône-Alpes, bien au contraire. Nous avons notamment des liens avec des structures européennes, tels que les ERN qui ont un périmètre d’action semblable à ceux des filières en France mais à un niveau européen.
Marion Curtillet : Comment est organisée une « filière nationale de santé maladies rares » ?
Cassandre Bonnet : Une filière de santé maladies rares est une structure qui rassemble et coordonne un ensemble d’acteurs impliqués dans les maladies rares et leur prise en charge. Elle est rattachée à un établissement de santé et placée sous la responsabilité d’un responsable médical. C’est un lieu de co-construction entre professionnels de santé, professionnels médico-sociaux et associations de patients. Il existe 23 filières de santé maladies rares en France, se répartissant les différentes maladies du corps humain. Elles sont financées et pilotées par le ministère de la Santé.
Marion Curtillet : Comment un CHU devient-il « centre de compétence » ? « Centre de référence » ?
Cassandre Bonnet : Un centre de référence ou un centre de compétence rassemblent une équipe hospitalière hautement spécialisée ayant une expertise avérée pour une maladie rare – ou un groupe de maladies rares – et qui développe son activité dans les domaines des soins, de l’enseignement-formation et de la recherche. Cette équipe est médicale mais intègre également des compétences paramédicales, psychologiques, médico-sociales, éducatives et sociales.
Afin de maintenir la performance de cette organisation, les centres sont labellisés tous les 5 ans suite à un appel à projet lancé par le ministère de la Santé. La labellisation des centres pour les 5 prochaines années (2022-2027) est en cours. Nous connaitrons les résultats en mars 2023.
Marion Curtillet : Concrètement, quelle différence pour un CHU et les patients de sa région avant-après la labellisation ?
Cassandre Bonnet : Pour les professionnels de santé (médical et paramédical), faire partie d’une équipe structurée au sein d’un centre de référence ou de compétence maladies rares permet d’avoir accès à une expertise commune et partagée, en interne, au niveau national et à l’international. La prise en charge est organisée de façon pluridisciplinaire avec différentes compétences (pour DéfiScience, les centres regroupent des spécialités de neurologie, psychiatrie, neuropsychologie, endocrinologie, génétique) permettant une prise en charge globale du patient. Cela permet notamment de penser aussi une transition entre la prise en charge enfant et la prise en charge adulte à la fois au sein de l’hôpital mais aussi avec la médecine de ville. Le maillage national des centres de référence et de compétence offre en outre une diffusion du savoir et donne accès à la meilleure prise en charge pour les patients dans chaque région du territoire.
Le patient a ainsi accès à une équipe structurée et experte sur sa pathologie, partout en France.
Marion Curtillet : Les filières reposent sur les CHU. Un lien se fait-il avec la médecine de ville ? Avec les professionnels des localités très éloignées des CHU ?
Cassandre Bonnet : Le lien avec la médecine de ville est fait en local, par les centres de référence et de compétence eux-mêmes. Travailler avec les acteurs locaux du sanitaire, du médico-social, de l’éducatif est une de leur priorité pour assurer une continuité dans la prise en charge des patients.
Marion Curtillet : Les différentes filières travaillent-elles ensemble ?
Cassandre Bonnet : Le travail en interfilière est clef face à l’enjeu de santé publique que représentent les maladies rares. Nous ne pouvons travailler seules, et collaborons régulièrement avec d’autres filières de santé pour créer du contenu, fédérer des réseaux de professionnels, organiser des évènements et surtout faire connaître et sensibiliser aux maladies rares. Ce travail interfilière est d’autant plus précieux lorsque les pathologies prises en charge et les parcours de soins sont proches. Par exemple, entre les filières dédiées à des pathologies neurologiques telles DéfiScience, Brain-Team, et Filnemus ou bien des malformations du développement entre DéfiScience et AnDDi’Rares. Nombreux sont les centres experts dont les compétences peuvent se superposer d’une filière à l’autre, ce qui assure une coordination des soins plus globale.
En parallèle des soins, des ressources, créées en interfilière, sont disponibles sur différents sites internet :
Marion Curtillet : DéfiScience a huit ans. Quel bilan tirez-vous ?
Cassandre Bonnet : La filière aujourd’hui est en pleine expansion. Les filières sont clairement identifiées par les centres experts, les professionnels et les associations qui peuvent s’appuyer sur nous pour créer du lien et organiser des collaborations. Avec l’ensemble de nos partenaires, nous sommes fiers d’avoir créé, entre autres, des formations de sensibilisation aux maladies rares du neurodéveloppement accessibles à tous sur notre site internet. Nous avons aussi mis en place de nombreuses journées de partage de bonnes pratiques entre professionnels de santé, professionnels du médico-social et associations de patients. Nous avons créé une dynamique de collaboration importante entre nos centres experts sur différentes thématiques (rédaction de protocoles de soins, création de programmes d’éducation thérapeutique du patient, collaborations en recherche, webinaires d’expertise, réunions de concertations, etc.), et essayons d’impliquer au maximum les associations de patients dans des actions conjointes centres/patients/filière.
Aujourd’hui, nous devons pérenniser ce qui a été construit sur les 8 dernières années, et nous tourner vers l’avenir afin de favoriser une innovation constante pour améliorer la prise en charge des maladies rares du neurodéveloppement, du diagnostic précoce à la fin de vie. Notre mission de sensibilisation, de diffusion du savoir et de mise en lien est loin d’être terminée, et de beaux projets s’ouvrent à nous dans les mois et années à venir, en lien avec les acteurs du sanitaire, du médico-social et du monde associatif.