Nous n’en avons pas parlé… Éclairage, par Hélène Mangin, responsable du CERMES de Dombasle.

Lors de la tournée du mois de juin, nous avons rencontré l’équipe et les résidents du CERMES de Dombasle, établissement unique en France qui accueille spécifiquement les porteurs du syndrome de Prader-Willi. Hélène Mangin, responsable du centre, répond à nos questions.

Marion Curtillet : « C.E.R.M.E.S » ? Quèsaco ?

Hélène Mangin : C’est un CEntre de Ressources dico-Social.

M.C : Pouvez-vous nous le présenter ?

H.M : Le CERMES a été créé pour fournir un accompagnement spécifique en réponse aux besoins spécifiques des porteurs du syndrome de Prader-Willi. Il est ouvert depuis avril 2016. Douze personnes sont accueillies ici. Ce sont les mêmes depuis 2016. Au départ, les personnes accueillies pouvaient venir de toute la France mais finalement, à l’exception d’une personne qui vient de Paris, deux viennent du 54 et neuf du Grand Est élargi.

M.C : Comment est né le projet ?

H.M : Le projet a nécessité 10 ans de travail. Il est né de deux familles prises en charge par le CAPS et d’un directeur qui se sont retrouvés sur la nécessité de créer un service qui réponde aux besoins spécifiques des personnes porteuses du syndrome de Prader-Willi.

M.C : Le « CAPS » ?

H.M : CArrefour d’Accompagnement Public Social. C’est un établissement public qui comprend des maisons d’accueil spécialisées, des foyers d’hébergement, des ESAT, des MAS, des IME… ses structures dépendent financièrement du conseil départemental et/ou de l’ARS, selon le type de prise en charge.

M.C : De qui dépend le CERMES ?

H.M : Le CERMES dépend du conseil départemental pour ce qui concerne l’hébergement et de l’ARS pour ce qui est social, médical et paramédical dans la prise en charge de l’adulte handicapé. Chaque département prend donc à sa charge les prix de journées. D’ailleurs, les résidents restent rattachés à la MDPH de leur département d’origine.
À savoir que le SAMSAH (Service d’Accompagnement Médico Social pour Adultes Handicapés) est intégré au CERMES, pour avoir une prise en charge complète et globale de la personne. Cela n’est pas le cas dans d’autres structures.

3 juin 2021 : Piwi Cœur rencontre les résidents et l’équipe du CERMES.

M.C  : Quel âge ont les adultes accueillis au CERMES ?

H.M : Il faut avoir plus de 20 ans. Les douze résidents actuels du CERMES ont entre 23 et 40 ans.

M.C  : Parmi les résidents, certains travaillent ?

H.M : Depuis le départ, ils sont quatre à travailler en ESAT (Établissement ou Service d’Aide par le Travail). Trois en blanchisserie et un en conditionnement.

M.C  : Comment se passe la prise des repas à l’extérieur ?

H.M : Les travailleurs amènent leur repas du CERMES. C’est très important pour eux, c’est une continuité, ça les rassure. Ils peuvent un peu déroger à l’extérieur mais cela n’a pas vraiment d’incidence car la diététicienne le verrait à la prise de poids. La psychologue joue un rôle important. Les choses sont posées sous forme de contrat que l’on ajuste selon les besoins.

M.C : Le CERMES accueille-t-il des personnes à la journée ?

H.M : Deux places ont été ouvertes récemment. Comme pour tous les résidents, nous travaillons étroitement en amont avec tous les partenaires pour nous ajuster au mieux aux besoins alimentaires, médicaux et sociaux de la personne et pour lui construire un projet d’accueil adapté.

M.C  : Les résidents rentrent-ils dans leur famille de temps en temps ?

H.M : Certains partent en week-end tous les 15 jours dans leur famille, d’autres au moment des vacances. La plupart du temps pendant les fêtes de fin d’année et en période estivale. Le CERMES est ouvert 365 jours par an, 24h sur 24. Mais en général, il ferme 4 ou 5 jours entre Noël et nouvel an car tous les résidents sont dans leur famille.

M.C : On parle beaucoup de la gestion de l’alimentation mais que dire de la gestion des émotions et du relationnel ?

H.M : Il y a de gros écarts en termes de niveau intellectuel chez les personnes porteuses du syndrome de Prader-Willi. Les difficultés résident dans le domaine émotionnel et relationnel. Comment exprimer ma colère, ma tristesse, ma frustration ? Nous avons dû changer notre approche et faire évoluer nos pratiques professionnelles en essayant de trouver comment faire exprimer ce que « je ressens » et être reconnu dans ce que « je vis ».  Le carnet sur lequel on écrit ou on dessine est un bon support pour apaiser. Ensuite, nous professionnels sommes dans l’obligation de traiter ce qui s’est exprimé.

M.C  : Le CERMES a donc évolué depuis son ouverture il y a cinq ans ?

H.M : L’équipe est formée en continu à l’accompagnement des personnes porteuses du syndrome de Prader-Willi. C’est un syndrome très particulier, nous organisons des réunions d’équipe pour analyser les situations et voir comment les gérer au mieux, rappeler aussi très régulièrement les fondamentaux. Nous utilisons les supports fournis par l’association Prader-Willi France, et d’autres supports pour anticiper toujours mieux et éviter au maximum les situations de stress.
En 5 ans, nous avons beaucoup progressé. Les premières années ont été compliquées, il y a eu pas mal de crises à gérer. Maintenant on connait bien les personnes et leurs fonctionnements, on travaille beaucoup en amont, sur l’anticipation, pour éviter les crises et les frustrations.

M.C : Cela passe par un cadre strict ?

H.M : Plus  il y a de repères moins les situations sont anxiogènes. Les résidents ont besoin de choses très claires, d’un environnement entourant et rassurant. Nous l’inscrivons dans une démarche contractuelle dans laquelle tous vont s’investir. La sortie de ce cadre peut être déstabilisante et anxiogène (les retours en famille, les sorties au restaurant par exemple). Nous anticipons et contractualisons là aussi, pour que tout se passe bien.

Source : Solvay.fr

M.C : La sortie du CERMES peut-elle être envisageable pour certains ?

H.M : Pour l’instant, il n’y a personne susceptible de quitter le CERMES. Certains auraient les aptitudes pour mais cela ne peut se faire sans un dispositif à l’extérieur, c’est-à-dire un cadre et un accompagnement. Ce serait intéressant pour permettre à d’autres personnes de venir au CERMES. Tout est possible, tout évolue constamment.

M.C : Des familles un peu partout rêvent d’un lieu d’accueil comme le CERMES. Si vous aviez un conseil à donner à celles qui souhaiteraient se lancer dans un tel projet ?

H.M : Il faut bien poser les bases. Nous avons eu la chance ici de pouvoir penser les moindre détails du projet en rapport avec le syndrome. De pouvoir recruter l’équipe en amont de l’ouverture et d’aller tous ensemble nous former deux jours à Hendaye [centre constitutif pour le syndrome de Prader-Willi], de suivre tous ensemble des formations proposées par l’association Prader-Willi France, et ça, c’est indispensable. Le fonctionnement d’une personne porteuse du syndrome de Prader-Willi est très particulier, on ne peut pas se lancer dans l’accompagnement sans avoir ces connaissances là.
Le CERMES fonctionne bien depuis le tout départ parce qu’il repose sur un cadre, des bases, très clairement définies. Après, à l’intérieur de ce cadre, on fait évoluer au fur et à mesure pour accompagner toujours mieux.

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