Catherine Vulliez et la montagne, c’est une grande histoire d’amour… Qui l’a menée de Lille à la Haute-Savoie, puis au sommet du Mont-Blanc, puis au sommet de bien d’autres montagne d’Europe et du monde. Elle a déjà passé beaucoup de temps à plus de 8 000 mètres d’altitude (Cho Oyu, Everest, Manaslu) et n’a qu’une hâte : y retourner. Elle emmènera Piwi Cœur avec elle, dans son sac à dos !

Photo : Catherine Vulliez. Au sommet du Cho Oyu (8 201m). « C’est là qu’avec stupéfaction, je me suis retrouvée face à l’Everest ».

Marion Curtillet : L’arrivée d’un Piwi Cœur dans une famille, c’est le brouillard, la perte de tous repères. La glace qui craque au-dessus de notre tête aussi. Tu es familière de tout ça en haute montagne. T’arrive-t-il d’avoir peur ?

Catherine Vulliez : Les peurs en montagne, oui, c’est vrai elles pénètrent parfois la réalité. Mais elles restent souvent très brèves : quand il s’agit d’un danger mortel soudain, mes pensées s’envolent vers ma famille et je me tranquillise en pensant qu’ils comprendront que j’étais en train de vivre pleinement.

Se perdre dans le brouillard est courant. Là, il suffit de s’asseoir et d’attendre (tout est histoire de patience…). Le risque 0 n’existe pas, le tout est de pouvoir choisir le chemin qui présente le moins de risques objectifs.

Mon angoisse est beaucoup plus importante quand mon gamin est en montagne, envoûté par cette puissante attraction magnétique : le lien maternel  m’empêche de penser à autre chose tant qu’il n’est pas rentré.

« Le temps n’existe plus : il faut vivre au présent et profiter d’une étape à la fois »

Une expédition en très haute altitude nécessite de se couper de tous ses repères (pour que l’esprit reste libre et attentif à tout). Le temps n’existe plus : il faut vivre au présent et profiter d’une étape à la fois. C’est une vie pleine et immédiate (que certains vivent comme de la survie).

Photo : Catherine Vulliez. Sommet de l’Everest. « Là-haut nous ne sommes qu’un grain de sable dans cette immensité. »

« Quelque chose dans la montagne fait vibrer l’âme » J. Simpson

Marion Curtillet : L’autre jour, je te racontais ce que nous avions vécu au chevet de Piwi Cœur pendant tout ces mois où il a hésité entre la vie et la mort : nous avions l’impression d’être uniquement de l’énergie. Tu m’as répondu : « Je vois tout à fait. Au sommet de l’Everest, toute cette énergie…! » Peux-tu nous en dire quelques mots ?  

Catherine Vulliez : « L’homme, on a dit qu’il était fait de cellules et de sang. Mais en réalité, il est comme un feuillage : il faut que le vent passe pour que ça chante » (Jean Giono).

Nous pouvons aussi retransmettre une très grande énergie. Là-haut sur ces sommets, perdus au milieu de l’immensité, nous ne sommes matériellement que d’infinis petits êtres : je n’ai même plus l’impression d’avoir un corps. Juste un sentiment : nous ne sommes plus que sensations. Nos sens sont aiguisés à l ‘extrême.

« Nous ne sommes plus que sensations. Nos sens sont aiguisés à l’extrême »

Submergés d’un bonheur infini, nous recevons de plein fouet le bonheur des autres personnes présentes. De même, au sommet du Mont Blanc, quand je suis accompagnée, mon ressenti est toujours décuplé. Tout au long des expéditions, les rencontres, les sourires et les paroles échangées avec des Tibétains et des Népalais m’ont toujours remplie d’énergie. Nous sommes des boules d’énergie passant d’un état d’excitation à un autre, parfois il se stabilise.

Je pense que nous pouvons transmettre aux autres notre bonheur de vivre et les contaminer !

Photo : Catherine Vulliez. Dans la montée de l’Everest, entre le camp 1 (7 070m) et le camp 2 (7 500m). « Un pas à la fois ».

Marion Curtillet : Je t’ai demandé aussi si tu ne t’ennuyais pas quand tu passais du temps ici, dans la vallée, avec nos « petites montagnes » chablaisiennes… Tu m’as répondu que non, pas du tout ! Et qu’au contraire, tu adorais passer du temps dans ton jardin ! Est-ce toujours le cas après ces longs mois de confinement ?

Catherine Vulliez : J’ai essayé de prendre des photos du jardin, mais elles ne rendent rien. Elles ne rendent pas le chant des grillons ni celui des oiseaux ; ni les senteurs du petit matin ; et c’est toute la vue qui est magnifique : contrastes entre les forêts et les sommets encore enneigés. La montagne dans notre vallée est à portée de main. Le Roc d’Enfer me fait face et il m’est facile de partir depuis la maison pour aller à son sommet, puis de là-haut, d’observer le Mont-Blanc comme depuis les autres montagnes d’ici. Le Mont-Blanc m’attire toujours autant et j’aime d’abord le contempler depuis des angles différents avant d’y monter.

Bien sûr, les montagnes himalayennes me  manquent énormément. mais après-tout, le bonheur consiste à réaliser ce que l’on a attendu longtemps…

Photo : Les aventures de Piwi Cœur. Panorama chablaisien, depuis le sommet de la pointe de Nantaux (2 170m)

« Le bonheur consiste à réaliser ce que l’on a attendu longtemps »

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