Nous voici de retour à la maison, la tournée, c’est terminé. Mais nous avons encore des choses importantes à partager avec vous. Aujourd’hui, nous entrons très concrètement dans le syndrome de Prader-Willi, avec les exemples de trois familles qui se sont croisées sur la route de la tournée : bien sûr celle de Joséphine, 6 ans (Piwi Cœur) ; celle de Kiara, 12 ans ; celle d’Emil, 20 ans.
Joséphine

À 6 ans, Joséphine devrait être entrée dans la phase hyperphagique du syndrome. C’est LE marqueur qui fait sa spécificité : les enfants ont dû mal à s’alimenter pendant les deux premières années, puis basculent dans l’hyperphagie (absence de satiété) pour le reste de leur vie. L’entrée dans cette phase a reculé grâce à la recherche. Aujourd’hui, avec les hormones de croissance et l’amélioration de la prise en charge des patients et de leur famille, elle apparaît autour de 4 voire 6 ans.
Joséphine présente un tableau unique ou presque pour un porteur du syndrome de Prader-Willi puisqu’elle est toujours alimentée par une gastrostomie (un trou dans l’estomac, CETTE VIDÉO vous montre en quoi cela consiste). Un jour, elle va manger comme tout le monde. L’échéance approche, même, en ce début d’année 2025 : elle commence à s’intéresser à la nourriture et sans surprise, mange plus.
Depuis qu’elle est en âge de comprendre, nous lui expliquons que certains aliments sont bons, d’autres pas. Nous évitons de préciser « pour elle », car en réalité, ce qui est bon pour elle est bon pour tout le monde (fruits, légumes, yaourts nature…). Elle sait parfaitement les reconnaître et s’est auto-proclamée « police du manger » à la maison, avertissant ses frères et sœurs qu’ils se font du mal quand ils mangent des gâteaux, du chocolat, ou mettent du sucre dans leur yaourt.
Va-t-on s’en sortir à si bon compte ? Bien sûr que non… L’hyperphagie est une attirance, plus, une addiction pour la nourriture, bien trop puissante pour être contrôlée par quelques poncifs et règles de bonne conduite… Mais comme tous les parents, nous essayons d’appliquer ce qui est recommandé et ce qui nous semble, à un instant t, aller dans le bon sens. Que faire d’autre ?
Pour le reste, même si chaque porteur du syndrome est aussi différent d’un autre que vous êtes différent d’un autre non-porteur du syndrome, Joséphine suit une trajectoire assez « classique » : elle manque de tonus, a marché tard, commencé à parler tard, elle accuse un retard important dans à peu près tous les domaines, mais aussi des compétences surprenantes dans d’autres. Elle est très sensible mais sans que cela impacte trop lourdement son quotidien pour l’instant. Son caractère commence à s’affirmer mais comme celui d’un enfant de deux/trois ans qui teste les limites, pas de quoi nous inquiéter, pour l’instant toujours (il faut dire qu’elle a quatre frères et sœurs aînés donc nous ne nous inquiétons pas vite). Parmi ses points forts, on peut citer la curiosité (vous avez pu le remarquer, vous qui l’avez croisée pendant la tournée !) et la volonté : elle n’abandonne jamais.
Pour ce qui est de son quotidien, elle est en grande section et va à l’école tous les matins (c’est là que vous vous dites : « Comment ça va se passer pour le CP ? » C’est exactement ce que nous nous disons aussi… On vous racontera !). Les après-midis sont consacrés aux prises en charge (orthophonistes, kiné, psychomotricienne et ergothérapeute). 3 heures au total chaque semaine, auxquelles il faut ajouter quasiment autant pour les trajets. Ça peut sembler énorme, mais elle ne le vit pas comme un effort, alors nous non plus. Et les résultats, spectaculaires, insufflent l’énergie nécessaire pour continuer semaine après semaine, année après année.
Elle a commencé l’athlétisme et la musique, comme ses frères et sœurs. En inclusion. Cela se passe très bien « so far ». (Voir le jour 4 de la tournée, ICI).
En conclusion, Joséphine est encore dans la catégorie « 0-6 ans », celle où les familles et l’école arrivent globalement à gérer les problèmes (cf : ICI les statistiques fournies par l’ERHR). Si les 25 années à venir pouvaient se dérouler de la même façon, nous signerions tout de suite. Mais nous ne nous faisons pas d’illusion. Nous évitons d’y penser, d’ailleurs, à l’avenir… de peur qu’il vienne gâcher le présent. Il sera bien temps de le découvrir quand il sera là…
Kiara et Emil

Nous avons rencontré les familles de Kiara et d’Emil lundi, à Mougins et à Cannes. Kiara est en CM2 et la question pour l’année prochaine, c’est l’entrée en 6e. Sa scolarité s’est bien déroulée jusqu’à présent, dans une école et avec des enseignants qui ont su s’adapter aux spécificités du syndrome. Emil est dans un IME et l’enjeu pour lui est de trouver une structure pour la suite (l’IME est sensé accueillir les jeunes jusqu’à leurs 18 ans). Cette fameuse transition « ado-adultes » qui est clairement identifiée comme complexe dans le parcours des personnes porteuses de handicap, et en particulier du syndrome de Prader-Willi.
Les deux familles connaissent toutes les difficultés qui accompagnent le handicap, les prises en charge et leur impact sur l’organisation de la vie familiale, les multiples crises à gérer, les lourdeurs administratives, le jugement « des gens » dans la rue… Mais nous nous arrêterons plus ici sur le marqueur du syndrome de Prader-Willi : l’enfer de l’hyperphagie. C’est simple, leur enfant ne peut pas être laissé en présence de nourriture. Ce qui rend tout extrêmement complexe…
À la maison, la frustration peut encore arriver à être contenue, au prix d’un sellier, d’un frigo, de la cuisine tout entière, fermés à clé (avec un boitier qui s’ouvre avec empreinte digitale, même, car une clé, ça peut trainer et les conséquences seraient dramatiques). En respectant scrupuleusement l’heure des repas, en ritualisant rigoureusement la journée. Et en ne laissant jamais une plaque de chocolat dans le tiroir d’un bureau : « Ils ont un sixième sens pour trouver la nourriture là où elle est cachée ! »
Mais en dehors de la maison… Les parents d’Emil ont toujours cherché à varier les expériences pour leur fils, ne surtout pas l’isoler de la société. Sauf qu’en France, « toute la sociabilité passe par la nourriture ! » Et avec ce sixième sens… Ils vont, l’un comme l’autre et comme la plupart des porteurs du syndrome, trouver un moyen pour échapper à la vigilance de leurs parents, de l’adulte, et trouver la nourriture là où elle est cachée. À l’école, cela peut être prétexter une envie d’aller aux toilettes, pour en réalité aller chaparder dans la salle des maîtres. Au collège, c’est dans les cartables des autres qu’ils vont aller chercher des goûters. À l’IME, dans le tiroir d’un bureau, la fameuse plaque de chocolat…
Résultat : Emil, qui est en âge et en capacité de se déplacer tout seul, de prendre le bus etc, comme tous les jeunes de son âge, et qui en a fortement envie bien sûr, comme tous les jeunes de son âge aussi, ne peut pas. Quand il le faisait, ses parents ont vite compris qu’il descendait à la première épicerie qu’il croisait pour acheter de la nourriture (quand il avait de l’argent sur lui) ou la voler (quand il n’en avait pas).
La frustration autour de la nourriture est permanente et immense. Les multiples frustrations qui découlent des règles imposées pour ne pas céder à l’envie irrépressible de manger affectent tous les aspects de la vie quotidienne, tous les projets, les rêves. Les crises qui découlent de ces frustrations sont régulières, fréquentes, violentes.
C’est tout ça, l’enfer de l’hyperphagie. Un enfer que même les professionnels ne connaissent pas ou pas suffisamment et qui explique que les porteurs du syndrome figurent en si bonne place dans les situations « rares et très complexes » que les Equipes Relais Handicaps Rares accompagnent.
Amour + obstacles = …
Le tableau ainsi dressé paraît bien sombre, n’est-ce pas ? Pourtant, les parents de Kiara et Emil ont su tisser l’amour et les obstacles pour en extraire une formidable énergie qu’ils mettent au service de tous.

La maman d’Emil, Dagmar, est correspondante régionale pour l’association Prader-Willi France et travaille par tous les moyens et avec tous les acteurs possibles au bien-être des porteurs du syndrome et de leur famille en PACA. (Voir le détail des actions menées ICI). Son mari Thierry l’assiste pour mener à bien tous ces projets.
Les parents de Kiara, Véronique et Nicolas, organisent chaque année une soirée caritative qui rapporte des milliers d’euros au centre de référence de Toulouse pour la recherche. C’est d’ailleurs aujourd’hui que se tient le gala cette année !
Ils ont aussi un nouveau projet en tête : créer un lieu d’accueil à destination des porteurs du syndrome (entre autres) pour offrir aux familles un moment de répit. Affaire à suivre !

Un dernier point : l’hormone de croissance
Joséphine, Kiara et Emil ont en commun une piqûre quotidienne d’hormone de croissance. Quand on en parle, cela suscite en général une moue d’affliction chez notre interlocuteur. Pourtant, il n’y a pas de quoi : ils vivent tous les trois très bien cette contrainte. D’ailleurs, nous allons terminer là-dessus : regardez la vidéo. Vous devriez franchement rire !!!
Ce sont ces moments-là que nous retenons avec nos enfants. Ils effacent tous les autres.
Rendez-vous demain, nous parlerons CAA !
Pour acheter l’album ?
Sur ce site, ICI.
Et chez votre libraire habituel partout en France !


Toute la tournée !
- Lundi 17 février : journée CAA, Clermont-Ferrand.
- Lundi 24 février : avec les élus et l’association Prader-Willi France à Cannes.
- Mardi 25 février : dans une école à Hyères-les-Palmiers, à l’hôpital Lenval à Nice.
- Mercredi 26 février : le conservatoire d’Hyères, le Toulon Etudiant Club d’athlétisme.
- Jeudi 27 février : l’ERHR PACA Corse, Marseille.
- Vendredi 28 février : trois familles face au syndrome de Prader-Willi.
- Samedi 1er mars : la Communication Alternative et Améliorée (CAA).
Quelle énergie ! Les petits bobos s’évanouissent en te lisant. Merci pour ce partage tellement inspirant. Hâte de te / vous voir.
Merci pour le partage de cette tournée magnifique, qui aide à comprendre les petites et grandes difficultés liées à cette maladie, mais qui est aussi porteuse d’espoir. Bravo pour votre courage, votre énergie et la détermination à faire bouger les choses et les regards. Piwi cœur est magnifique et quels progrès !!!
Bravo pour cette initiative. Perso (je ne suis que grand mère d un enfant avec un spw) je n utiliserai pas le mot calvaire qui résonne avec autre chose, mon petit fils n est pas un calvaire! Désolée d ergother peut être. Je parlerai d une contrainte sans répit pour hyperphagie, avec une épée de Damocles pour l enfant.
Mais merci pour ce beau partage.
Bonjour, merci pour votre commentaire. Je voulais parler de l’hyperphagie comme d’un calvaire, pas de nos enfants, je m’excuse pour le malentendu. Je laisse le texte en l’état pour que votre intervention garde toute sa portée, cela me semble important.
Bravo pour cette initiative. Perso (je ne suis que grand mère d un enfant avec un spw) je n utiliserai pas le mot calvaire qui résonne avec autre chose, mon petit fils n est pas un calvaire! Désolée d ergoter peut être. Je parlerai d une contrainte sans répit pour l hyperphagie, avec une épée de Damocles pour l enfant.
Mais merci pour ce beau partage.
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